Demandez à l’expert : Kevin Hydes

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Fort d’une carrière d’ingénieur de plus de 30 ans, Kevin Hydes est devenu une autorité en matière de conception de bâtiments durables et de solutions de durabilité. Ayant siégé à différents conseils d’administration et comités d’experts, il a épousé la cause du bâtiment durable. Ses contributions au mouvement du bâtiment durable au Canada, aux États-Unis et dans son pays natal, l’Angleterre, lui ont valu plusieurs distinctions et une réputation bien méritée d’innovateur, de pionnier et de chef de file des entreprises vertes. Dans notre récente interview, nous revenons sur l’évolution du paysage canadien de la construction écologique, les réalisations de M. Hydes et ses projets futurs alors qu’il clôt un chapitre chez Introba et se recentre sur les façons dont il peut faire progresser les solutions à la crise climatique.

Vous avez consacré les 25 dernières années à l’ingénierie durable, d’abord en travaillant chez Keen Engineering, l’une des premières firmes d’ingénierie durable en Amérique du Nord, puis en créant la firme Integral qui se concentre sur l’ingénierie profondément durable. Quels ont été les moments charnières dans l’industrie pendant votre carrière?

Je pense que la création du premier conseil du bâtiment durable (CBD) aux États-Unis a été un moment clé. Une coalition d’entreprises, d’administrations publiques et d’universités s’est avérée être le modèle déterminant pour favoriser la transformation du marché sous l’égide d’une organisation à but non lucratif. Le lancement de LEED quelques années plus tard a donné à l’industrie un outil et un terrain de jeu équitable pour libérer les forces du marché et susciter le changement. Les tout premiers ateliers LEED ont présenté d’excellents exemples de projets canadiens « pré-LEED », notamment le C. K. Choi à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), la bibliothèque publique de Vancouver et l’édifice Edmonds de BC Hydro, puisqu’il n’y avait pas encore de projets certifiés LEED.

La création ultérieure d’autres conseils du bâtiment durable dans le monde, y compris le CBDCA, comme l’un des membres fondateurs du WorldGBC, a permis de créer une armée de praticiens sur le terrain aptes à livrer des résultats. Le WorldGBC a finalement mené à la création d’une « journée des bâtiments » lors de la COP 26, à Glasgow, et depuis lors, les bâtiments font partie de toutes les conversations au plus haut niveau, dans tous les pays.

Quel a été le plus grand changement de mentalité dans l’industrie au cours de cette période?

Incontestablement le passage du scepticisme et du déni climatiques à la crise climatique et à l’urgence d’agir dans tous les coins de la planète et toutes les sociétés. Le film d’Al Gore, « Une vérité qui dérange », a joué un rôle déterminant pour la diffusion de données scientifiques auprès du grand public et en particulier auprès du mouvement du bâtiment durable. En tant qu’agents du changement, nous avons entendu son message à la conférence Greenbuild et à d’autres événements, notamment lors d’une séance que j’ai organisée avec des étudiants et qui a été présentée au Palais des congrès de Montréal en 2006.

Vous n’avez jamais cessé de vous impliquer très activement dans le mouvement du bâtiment durable. Vous avez par exemple été cofondateur du CBDCA et président du conseil d’administration de l’USGBC et du WorldGBC. Qu’est-ce qui vous a incité à vous impliquer auprès de ces organisations?

J’ai d’abord voulu apprendre et ensuite, partager avec mes collègues, mes clients et la communauté au sens large. Nous avons tous beaucoup appris les uns des autres et nous nous sommes lancé des défis. Nous continuons d’ailleurs à le faire. L’implication auprès de ces organisations et de ces personnes extraordinaires est un privilège et un engagement en faveur de l’apprentissage tout au long de la vie. Au bout du compte, il s’agit de faire une différence : travailler avec ardeur, s’amuser à fond et donner en retour.

Quelle différence ces organisations ont-elles faite sur le marché et quelles sont les opportunités futures ou quel est le rôle futur des conseils comme le CBDCA maintenant que le bâtiment durable est devenu plus courant?

Les conseils du bâtiment durable ont fait une différence du fait qu’ils ont transformé notre industrie de bien des façons. D’une part, ils orientent les décideurs afin qu’ils utilisent un langage modèle dans les politiques publiques afin que les villes, les provinces ou les états puissent partager les meilleures pratiques avec leurs pairs et créer de nouveaux réseaux. D’autre part, ils donnent au secteur privé les outils nécessaires pour accroître la concurrence afin de continuer à pousser le marché vers le haut. Inciter, pousser vers le haut et célébrer, voilà la raison d’être des outils que nous avons utilisés au fil du temps, même si les programmes ont changé.

Le CBDCA est devenu l’organisateur national du mouvement du bâtiment durable et de la réponse climatique dans l’environnement bâti. Il doit saisir l’occasion de sa position unique pour créer des partenariats efficaces et durables avec toutes les parties prenantes, les influenceurs et les décideurs afin d’accélérer notre trajectoire vers les cibles que nous avons fixées et que nous devons atteindre. C’est notre destin.

À votre avis, où en sommes-nous dans le processus graduel de transformation du marché et quelle serait notre plus grande chance d’y parvenir?

Nous commençons à peine. Actuellement, nous accusons du retard par rapport aux objectifs de réductions réelles. Toutefois, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre espoir ou de languir. Nous devons évoluer dans un monde résolument optimiste, en reproduisant des exemples de réussite et en les amplifiant comme nous ne l’avons jamais fait auparavant. Chaque décision compte, qu’il s’agisse d’une ligne tracée par un concepteur, d’une commande de matériaux par un acheteur, d’une décision prise au chantier par le constructeur ou le plombier, et bien sûr, des décisions quotidiennes prises par les propriétaires, les exploitants et les utilisateurs des bâtiments pour optimiser la possibilité de faire plus avec moins.

Comment aimeriez-vous vous impliquer au cours des 10 prochaines années? Quels sont les meilleurs points à exploiter?

Pour moi, c’est une question personnelle, morale et éthique. Compte tenu de l’occasion qui s’est présentée, je ne pouvais pas rester à l’écart et me contenter d’observer la situation. Je suis toujours aussi actif au sein de nombreux CBD aux niveaux local, des états ou provinces, national et mondial. J’ai été fier de participer à l’organisation de la visite du WorldGBC dans les bureaux d’Introba à Londres, en juin dernier. J’ai également travaillé avec des groupes de la Californie pour créer un nouveau et puissant chapitre d’État qui regroupe toutes les sections locales sous un même toit afin de faire avancer le programme de l’État avec plus de force. J’entends continuer d’aider l’USGBC et le CBDCA et leur apporter mon soutien de toutes les manières possibles, en tant qu’ami et conseiller de ces groupes et d’autres.

Nous savons que vous avez rencontré de nombreux leaders du bâtiment durable et de la durabilité de partout dans le monde et que vous avez travaillé avec nombre d’entre eux. Qui vous a le plus inspiré et pourquoi?

Mon mentor et la personne grâce à qui je me suis engagé dans mon parcours écologique est le grand architecte Bob Berkebile (BNIM arch.) de Kansas City. Je l’ai rencontré au début des années 90 lors d’une charrette pour le bâtiment C. K. Choi de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), en compagnie d’autres grands dirigeants de l’équipe de ce projet : Eva et Kyoshi Matsuzaki, Freda Pagani, Joanne Perdue, Cornelia Oberlander, Ray Cole et d’autres. C’est Bob qui nous a permis à tous d’atteindre notre potentiel maximum sur ce projet et, dans mon cas, d’entreprendre un parcours que je n’aurais jamais entrepris autrement. Le bâtiment C. K. Choi a été mon projet phare et mon changement de trajectoire. Bob est également à l’origine du programme COTE de l’AIA et a aidé l’USGBC dans ses premières années. Il a inspiré des milliers de personnes tout au long de sa carrière.

David Suzuki, le grand trésor national du Canada et militant écologiste toute sa vie, a prononcé de nombreuses allocutions lors de nos conférences et m’a donné une vision nouvelle des problèmes que nous devons résoudre. Lors d’un de ses discours où je l’ai présenté sur scène, il a dit quelque chose qui m’a donné envie de lutter encore plus pour la planète : « en tant qu’activiste, je me suis opposé trois fois dans ma vie au forage pétrolier sur le versant nord de l’Alaska… nous n’avons jamais obtenu de victoire, nous n’avons obtenu qu’un report de l’activité… » Je m’efforce chaque jour de lui prouver qu’il a tort.

Je suis devenu conseiller de la Fondation Clinton pour le climat il y a quelques années et j’ai rencontré l’ancien président à plusieurs reprises. En 2007, j’ai assisté à une réunion du C-40 qu’il venait de créer (la coalition des 40 plus grandes villes du monde, aujourd’hui sous l’égide de la fondation Bloomberg). Il est monté sur scène avec les maires des 40 villes, les PDG des plus grands acteurs mondiaux de l’industrie et les plus grandes banques du monde, et a déclaré, comme lui seul peut le faire : « Nous sommes ici pour lutter contre le changement climatique… voici ce que je vais faire… Réunir les plus grandes villes du monde et les plus grandes entreprises… réunir les plus grands fabricants du monde… et obtenir des achats importants à l’échelle… puis faire venir les banques ici pour fournir le financement à des conditions et à des prix favorables ».
Mes cofondateurs du CBDCA, Peter Busby, Joe Van Belleghem et l’IRAC, m’inspirent quotidiennement par leurs héritages, l’excellence continue de leurs réalisations et leur engagement à la cause.

David Gottfreid, qui a eu l’idée géniale de créer le mile GBC avec l’USGBC puis avec le WorldGBC, en tant que fondateur, continue de faire avancer les choses grâce à des produits innovants.

ET tous les héros méconnus de notre mouvement, les chefs de la direction de notre mouvement du bâtiment durable – Christina Gamboa au WorldGBC, Peter Templeton à l’USGBC et bien sûr, mon ami depuis 30 ans, Thomas Mueller qui se demande sans cesse « quelle sera la prochaine étape ». Je vous remercie tous, ainsi que les membres du conseil d’administration, les bénévoles et les employés qui les soutiennent et les poussent à aller plus loin.

Lorsque vous réfléchissez à votre carrière, quelles sont vos plus grandes réalisations à votre avis et qu’est-ce qui vous pousse à continuer?

Les projets. C’est en faisant qu’on apprend. J’ai eu la chance de travailler avec des collaborateurs, des collègues, des clients et des équipes extraordinaires au fil des ans. J’ai participé à de nombreuses premières tout au long de ma carrière et à deux projets qui ont remporté le titre de « Bâtiment durable de l’année dans le monde ». Il s’agit du centre informatique de l’Université de York en 2002 et du campus de Google Bayview en Californie, l’année dernière. Mais ce qui compte, ce sont tous les emplois intermédiaires et les personnes qui jalonnent le parcours. Les étudiants à qui j’ai enseigné à l’école d’architecture de l’Université McGill lorsque je vivais à Montréal, les conférences données à l’UBC, à l’Université de Toronto, à McGill, à l’Université de Californie, à Berkeley et ailleurs. Les nombreuses conférences et événements organisés par l’industrie.

Ce qui me fait avancer, c’est l’énergie que je reçois de vous tous dans ce mouvement et la possibilité de continuer à apprendre, à faire et à partager, tout en continuant d’avoir du plaisir et de célébrer nos réussites tout au long du chemin. Travailler avec ardeur, s’amuser à fond et donner en retour.

Le principe de votre firme est de faire confiance, d’encourager et d’inspirer. Quel conseil donneriez-vous aux nouveaux professionnels du bâtiment durable qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail?

C’est mon mentor, Bob Berkebile, qui m’a fourni les termes qui définissent ce principe pour m’aider à établir une vision claire à l’époque où j’étais président du WorldGBC. Je les ai introduits dans la firme pour rassembler une équipe mondiale de leaders qui se poussent les uns les autres en croyant les uns dans les autres, en s’aidant mutuellement et en allant de l’avant avec le travail. La cohérence est la clé du succès de toute équipe et c’est ce que nous avons fait pour atteindre nos objectifs.

Nous avons besoin d’un effectif de deux à trois fois plus élevé dans le domaine de l’environnement bâti pour relever les défis que nous avons fixés pour 2050. J’encourage tous les professionnels de la relève à suivre leur passion. N’ayez pas peur de commettre des erreurs en cours de route, trouvez des amis qui sont aussi passionnés que vous et écoutez les aînés dont vous voudrez peut-être apprendre quelque chose, puis foncez.

Aimeriez-vous ajouter autre chose?

Nos familles nous soutiennent tout au long de notre carrière et font souvent des sacrifices pour que nous puissions déployer les efforts nécessaires dans l’exercice de nos professions. Je tiens à remercier tous les membres de ma famille et mes amis qui m’ont soutenu, ainsi que vous tous. Mon épouse et partenaire, Jenny, est mon roc et je n’aurais rien pu faire sans elle.

Nos firmes nous permettent d’apporter ces contributions et d’améliorer l’industrie. Merci à Keen, Stantec, Integral et Introba pour leur soutien au fil des ans.

Soyez optimistes, réalistes, pragmatiques, agissez, influencez, rêvez, écoutez. « Incarnez le changement que vous souhaitez ».

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